vendredi 16 mars 2007

L'avenir des médias sur le Net est-il dans l'éthique ?


Il y a d'abord les petites phrases, polémiques, de Jim Buckmaster, CEO de la fameuse "Craiglist", accusé d'avoir volé des millions de dollars aux journaux avec son site de petites annonces gratuites : "Les journaux se sont focalisés sur la maximisation de leurs revenus, plus que sur le journalisme." Et d'ajouter, après avoir rappelé que les journaux faisaient toujours deux fois plus de profits que de nombreuses entreprises : "Finalement, prendre de l'argent aux journaux sur ce terrain là est peut-être la chose la plus saine qui leur soit arrivée, tant que le journalisme est concerné".
J'ajoute que Craiglist, à l'origine, n'avait pas pour objectif de gagner de l'argent, mais de rendre service à la communauté... En décembre 2006, Jim Buckmaster, présent à la UBS Global Media Conference à New York, a abasourdi les analystes de Wall Street en leur disant que Craigslist avait peu d’intérêt à maximiser ses profits et, au contraire, préférait se concentrer à aider les gens à trouver des voitures, des appartements, des emplois ou des rencontres (source : Wikipedia)

La petite phrase est polémique, mais Jim Busckmaster n'a pas complètement tort. La crise dans laquelle sont plongés les médias n'est pas que financière et n'est pas dûe qu'à l'émergence d'Internet. Il ne s'agit pas pour la presse de se contenter de trouver de nouveaux businesses, mais d'abord de se remettre en cause. C'est en se remettant en question qu'elle gagnera ces nouveaux marchés.

Fiefs médiatiques

Durant de longues années, de nombreux journaux, locaux notamment, ont fonctionné dans une logique de fief médiatique. Une stratégie fort compréhensible et logique de monopole sur un territoire, assurant des rentrées d'argent régulières. Presqu'une stratégie de dîme locale.

Ce qui se passe aujourd'hui avec Internet, c'est que les fiefs ont explosé. Et que pour retrouver leur place centrale, les journaux doivent d'abord reconquérir leur communauté. Ils en ont (encore) la légitimité. Mais le chemin sera long. Car les rapports économiques et surtout sociaux ont changé. L'usage du média est bouleversé. Ce n'est pas qu'une question de marché et de technique.
Il ne suffit donc pas de mettre du web2.0 dans ses petites annonces ou de la participation sur son site Internet pour gagner de l'audience. Il s'agit de reconstruire une communauté sur la base d'une nouvelle réalité sociale.

Le cinquième pouvoir

Internet a réveillé les exigences éthiques des consommateurs en leur donnant le pouvoir de les faire respecter : j'ai plus de choix, je peux comparer et partir, je n'ai plus besoin de vous pour en parler, je peux voir ailleurs si vous m'avez menti.

Steve Yelvington, le patron du Bluffton Today, le jeune quotidien local adossé à un site de journalisme citoyen, prévient les journaux qui s'attaqueraient au participatif pour de mauvaises raisons... ou de mauvaises vieilles habitudes. Ne rentrez pas dans l'arène du journalisme citoyen juste pour gagner de l'argent ou faire plus de pages vues, conseille-t-il. Parce que ça ne marchera pas.

Qu'est-ce qu'un média à l'heure d'Internet ?

Un média doit évidemment chercher à gagner de l'argent. Et si l'argent est sur Internet, il faut aller le chercher sur Internet. Encore faut-il le faire pour les bonnes raisons : rester dans son rôle de média. Etre un média plus rentable, donc plus fort.
Ce n'est pas de l'idéologie, cela tient à la valeur intrinsèque de ce que "vend" un journal : pas des boîtes de macarons (pas encore...), mais de l'information, du lien social et des valeurs. C'est à dire les éléments fondateurs d'une communauté.

Avant, on pouvait tricher. Mais à l'ère du cinquième pouvoir, celui de l'internaute tout puissant, c'est plus compliqué.

Dans cette (re)conquète les journaux devront être courageux, audacieux et oser s'interroger à nouveau sur : qui sommes nous ? Pourquoi les lecteurs se tournent-ils encore vers nous ? Qu'est-ce qu'une entreprise média au fond ?"

Parce qu'il répond à une attente bien spécifique, le média ne peut pas vendre n'importe quoi sur Internet, et doit se recentrer sur ce qu'il est aux yeux des gens.
Il serait même "commercialement" dangereux d'ignorer cette posture éthique, qui correspond précisément à l'attente des lecteurs.

Ethique et buisiness

Avec Quelcandidat.com, par exemple, nous avons construit un site sur des valeurs éthiques, sans tricher : discussion et participation libre et sans censure, environnement citoyen, mais aussi un vrai souci d'éclairer, d'informer et d'ouvrir le débat. Avec un patte ludique et légère pour assurer l'audience et conserver cette touche populaire au site.
Je suis heureux de constater que les commentaires et les articles envoyés par les internautes sont très respectueux des autres et de l'outil. Un outil qui est en train, petit à petit, de devenir communautaire.
Le site, aujourd'hui, gagne de l'argent. Sur Internet, il n'y a pas d'incompatibilité entre éthique et trafic. Voyez le succès de Wikipédia et de Craiglist.

Le média éthique n'est évidemment pas la seule voie, mais il répond à une demande, et est aujourd'hui le meilleur moyen pour un média de bâtir une communauté sur Internet. Voilà une bonne nouvelle pour les journalistes !

Nous sommes aujourd'hui à l'ère du positionnement sur l'échiquier, pas encore de l'argent facile : nous devons bâtir les communautés pour occuper un marché encore naissant et instable.

5 commentaires:

Jeff Mignon a dit…

Le média éthique. C'est le mot. Je pense que c'est la porte de sortie de Libé par exemple. Il devrait devenir le fer de lance du média éthique. Dans ce sens, j'avais proposé une idée pour la pub de Libé, dans un de mes posts. Une idée simple, qui pourrait être reprise par la presse régionale : pour toute pub que l'annonceur prend dans le journal, un petit pourcentage est reversé à l'association de son choix. Par exemple, Peugeot prend une pub et choisit de soutenir la recherche contre le cancer. Le journal verse 1% de la pub à une association de recherche contre le cancer, et le dit clairement.
Le suédois Robert Picard considère, dans une de ses dernières recherches pour Harvard, que l'une des raisons de la désaffection du public pour les supports d'actu, c'est que ces supports n'apportent principalement des valeurs qu'à deux de leurs cibles : les annonceurs et les investisseurs. Hors, pour Picard et je suis d'accord avec lui, un support d'info doit apporter des valeurs, et de façon équilibrée, à toutes ses cibles : les individus, la société, les annonceurs, les investisseurs et les journalistes. J'en parlerai sur mon blog bientôt.

Anonyme a dit…

Cette liberté sur internet ne va-t-elle pas etre bridée prochainement ?
Lors du lancement des radios sur la bande FM, il y eut des milliers de projets associatifs, combien en restent-ils désormais ?

Pour grandir, un site doit souvent s'allier à d'autres services et cette alliance ne va pas toujours dans le meilleur sens de la liberté de ton !

Anonyme a dit…

justement weetabix, le marché va s'écrémer pour laisser place aux plus intéressants qui vont pouvoir developper des business modeles et devenir des classiques... ensuite un autre courant apparaitra et tout recommencera... ça s'est vu pour la radio, la tv, l'internet, et presque tout...

Anonyme a dit…

Bonjour

J'ai decouvert ce site de lecture de mails et de clics.
C'est un site serieux avec un forum ou le webmaster est tres disponible.

Alors si vous voulez vous faire un peu d'argent (ici, pas de fausse promesses de mail à 25 $)
mais bon c'est avec des cailloux que l'on batit des montagnes.

Alors suivez le lien :

http://www.mail-4-read.com/indexins.php?ref=30582


Bon courage a tous !!

E Breiz a dit…

La régulation publics/journalistes en quête de légitimité

Notre époque est marquée par les évolutions rapides des modes de communications. L’instantanéité d’internet et son accessibilité gratuite bousculent les modes traditionnels d’information et les modèles économiques des médias. Ces bouleversements s’inscrivent dans une crise de confiance ancienne et pérennes entre le public et ses médias. La légitimité des journalistes professionnels est battue en brèche par les blogs citoyens et réseaux sociaux où les échanges - qui vont jusqu’à l’expertise - peuvent se partager et se confronter. Tout cela favorise la prise de parole et l’écrit critique des lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes, qui interpellent de plus en plus spontanément leur(s) média(s) préféré(s).

La gestion de ces points de vue, commentaires mais surtout reproches et griefs, fondés ou non, nécessitera de plus en plus l’organisation de lieux de régulation dont le type - selon nous- évoluera vers un mode de médiation/conciliation dont la première instance se situera dans dans les médias qui les accepteront.

L’inscription prochaine d’un code de déontologie en cours de négociation, dans la convention nationale des journalistes, pose d’ores et déjà la question d’une structure nationale réellement indépendante qui, sollicitée avant toute judiciarisation des conflits par les parties (journalistes, directions, publics) permettrait l’échange sur le fond et la conclusion de protocoles d’accords non coercitifs entre ces parties. Elle pourrait être saisie directement, mais également faire office d’instance d’appel en cas d’échec d’une médiation locale menée auprès du médiateur d’un journal, d’une radio ou d’une télévision.

La reconquête de la confiance des publics par les médias passe par une reconstruction des respects réciproques, où la médiation/conciliation devrait avoir un rôle croissant à jouer dans les années à venir. A l’image de ce qui passe déjà dans de nombreux pays européens.


Schéma de mise place de la médiation dans les médias

(Proposition qui s’inscrit dans l’organisation à venir de la profession : code de déontologie inséré dans la convention collective et chartes des titres et médias)

I. Créations dans un maximum de titres (print et web) ou chaînes de médiateurs maisons, nommés par les directions et indépendants des rédactions. Leur mission de conciliation doit permettre de régler la plupart de plaintes à l’amiable. Prévoir une formation légère.

II. Création au niveau national d’une cellule des contentieux auprès de la commission de la carte. Elle instruit les plaintes et décide de leur recevabilité soit en saisine directe, soit en appel lorsqu’une médiation « locale » a échoué. La cellule oriente la régulation de la plainte vers un médiateur/conciliateur référencé dans une liste de personnes indépendantes formées à la médiation et dotées d’une expériences dans les domaines de l’information, de la communication, du droit de la presse ou de la consommation (anciens journalistes, avocats, ingénieurs etc..)

III. Dans l’hypothèse où ce fonctionnement serait opérationnel, rien ne s’opposerait à ce qu’une plainte déposée directement devant un tribunal soit redirigée en médiation judiciaire vers ces médiateurs. (rappel, en médiation judiciaire : une médiation réussie à autorité de la chose jugée ; après homologation par le juge, le protocole a force exécutoire)